1. 11 trucs redoutables pour réveiller une intrigue ennuyeuse (Part 1)

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Voici un an tout juste, je proposais des méthodes pour vaincre la page blanche, parce que des fois, quand ça veut pas, ça veut pas.

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La première de ces méthodes trouve son origine dans une profonde frustration : celle d’être resté sur sa faim à la fin d’une histoire qu’on vient de terminer. Parce que l’on a le sentiment – car cela reste toujours une impression personnelle – que l’auteur n’a pas exploité autant qu’il l’aurait pu toutes les possibilités offertes par son univers ou son intrigue.

On aurait aimé en avoir plus. On aurait aimé que ça aille plus loin pour pouvoir être transporté davantage vers ce mythique sens du merveilleux qui te retourne le fond du bulbe, te secoue les neurones et finit par te laisser des étoiles plein les yeux.

 

Car c’est à cela – à mon sens – que sont destinées les histoires de science-fiction : à nous balancer une bonne grosse baffe dans la gueule pour nous rappeler à quel point nous sommes arriérés, insignifiants et minuscules à l’échelle de l’univers et même au-delà. Mais aussi, dans le même temps, à nous donner l’espoir – car cet espoir existe – que nous pourrions bien, un jour, nous retrouver à vivre réellement ces situations futures.

En te disant cela, voilà où je veux en venir : par pitié, je t’en conjure, ne gâche pas ton talent sur une intrigue ennuyeuse.

Fais tout péter, bordel.

T’as de l’or entre les mains, alors casse la baraque.

Évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire, alors au risque que cet article se fasse indexer inutilement par un quelconque réseau d’espionnage, je te livre dans cet article six dernières recettes d’armes de destruction massive (littéraires, s’entend) qui t’aideront – peut-être, en tous cas je l’espère – à faire subrepticement lever d’étonnement le sourcil gauche de tes futurs lecteurs.

Et même davantage, si possible.

6. Inverse les archétypes de personnages

Ma douce aimée, la tyrannie du robot démoniaque a pris fin. Je peux enfin faire jaillir la flamme éternelle de mon amour pour vous !

Le prince et la princesse, son ami le mentor, son ennemi le dragon : tous ces archétypes du conte sont tellement utilisés partout et dans toutes les histoires qu’ils sont la plaie qui empêche toute forme d’originalité.

Le soldat qui tue le robot et va sauver la princesse après avoir reçu l’aide de Jean-Kevin, c’est exactement du même acabit. Et c’est l’une des principales raisons pour laquelle ce genre d’intrigue est chiant est ennuyeux.

On a déjà vu dans un article précédent comment s’abstraire de ces vieux poncifs datés aux forts relents misogynes – avec ses princesses tout juste bonnes à dormir ou à faire le ménage.

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Tu peux apporter facilement de l’originalité à ton intrigue simplement en inversant un ou plusieurs de ces rôles que l’on a pris l’habitude de suivre et de respecter à la lettre sans même y penser lorsque l’on compose des histoires.

Et attention : quand je parle d’inversion des rôles, je ne parle pas d’inversion des sexes, même si s’appuyer sur un personnage féminin badass reste un must.

Il ne suffit pas de féminiser le héros ou de masculiniser la princesse : pour que ça marche, il faut que le héros, homme ou femme, soit in fine sauvé par la princesse, créant ainsi un effet de surprise qui réveillera tes lecteurs.

Et mieux encore, il faut multiplier les combinaisons entre les différents archétypes. Eh oui, comme je l’explique dans l’article sus-cité,

Si tu veux réveiller tes lecteurs, mon coco, il serait temps d’arrêter de te brider et de te mettre à leur balancer des seaux d’eau glacée à la figure.

Il n’existe aucune règle qui empêche ton beau héros de trouver l’amour avec son acolyte. Quand on y réfléchit, ils ont vécu ensemble davantage de belles et douloureuses aventures qu’avec la princesse cloîtrée dans sa prison. Surtout quand la princesse en question n’a rien fait d’autre que ruminer dans sa cellule pendant tout ce temps.

Ce lâche soldat de mes deux a donc préféré Jean-Kevin ? Il a signé sa perte ! Je vais épouser le robot démoniaque, je le détruirai, et ensuite, ensuite… Oui ! Je deviendrai l’Impératrice toute-puissante et je ferai jaillir sur eux la flamme éternelle de mon infernal courroux !

(Et autres insultes homophobes censurées.)

7. Crée un anti-héros

Vous avez bravé mille et un dangers pour parvenir jusqu’à cette cellule. Vous êtes un héros, épousez-moi !

On crée des héros pour pouvoir s’y identifier. On les conçoit comme des modèles, comme des idéaux à atteindre. Pour qu’en découvrant leurs exploits, on se dise : « s’il y arrive, alors moi aussi, je peux y arriver ». Les héros nous fascinent parce qu’ils nous permettent de dépasser les limites de notre existence humaine, avec la certitude de pouvoir tout surmonter.

Ouais, bon, des fois, il faut se rendre à l’évidence, on se dit plutôt : « s’il y arrive, alors ça sert à rien que je m’y colle ». Un principe qui s’applique notamment lorsque les héros sont trop héroïques, trop « super » et font des choses incroyables – incroyables dans le sens d’« impossibles à croire ».

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Des super-héros à la hard science : pourquoi tu crois aux pires supercheries

Mais tout comme se conformer aux archétypes du conte reste au final assez chiant, forger de toutes pièces un héros aux attributs absolument parfaits peut vite devenir ennuyeux comme la mort.

Parfait, parfait, c’est vite dit… Écoute-le chanter, pour voir. (vidéo)

C’est pourquoi les héros les plus attachants, ceux dont on se souvient le plus, sont toujours ceux qui restent ancrés dans une certaine réalité et qui, tout comme nous-mêmes, sont sujets à des failles et des égarements. Bref, qui sont aussi imparfaits que toi et moi.

Rappelle-toi par exemple que dans Le Seigneur des anneaux, ce n’est pas Aragorn, ce n’est pas non plus Gandalf ou Legolas qui réussissent à vaincre le méchant : c’est Frodon, un être insignifiant en comparaison, invisible, inattendu. Exactement ce que nous sommes, tout compte fait.

Tout étant une question de dosage. Si ton héros n’a qu’une seule faille un peu pourrie, par exemple s’il est incapable de tuer ses ennemis et que sa clémence finit par lui jouer des tours, il n’en reste pas moins un héros sans reproche.

Non, il faut aller plus loin. Il faut faire de cet être éthéré et immaculé un bon vieil humain gisant dans sa vase, voire dans son caca. En un mot, il faut le salir. Le débarrasser de cette insupportable gangue de perfection et lui donner les attributs d’un anti-héros. Un personnage qui sera beaucoup plus crédible parce qu’il ressemblera davantage à un être humain comme toi et moi.

Pour créer un anti-héros, c’est simple. Tu prends un modèle de héros parfait et tu inverses tous les traits qui le caractérisent. Ton héros est courageux, endurant et n’agit que pour l’honneur ? Fais-en un lâche, paresseux qui ne travaille que pour le fric.

Eh oui, ça parait dingue, mais Han Solo reste quand même au fond un sacré connard.

Il est fort, musculeux et toutes les femmes sont à ses pieds ? Fais-en un Stephen Hawking en puissance qui résoudra ses problèmes et sauvera le monde par la seule force de son intelligence.

L’imperfection d’un héros est question de dosage. Mais c’est aussi une question de point de vue.

« Vous avez bravé mille et un dangers pour parvenir jusqu’à cette cellule. Vous êtes un héros, épousez-moi !
— Ben en fait, pour tout avouer, j’suis un peu le dernier à avoir survécu. Si je m’étais pas endormi dans la navette… Bref, tachez pas votre belle robe en sortant, y’a des corps partout, c’est vraiment dégueulasse. Non mais regardez la façon dont Jean-Kevin s’est fait éventrer après avoir décapité le robot démoniaque. Il a laissé ses tripes partout…Vous permettez que je reprenne une rasade ? La puanteur c’est juste pas supportable.

8. Imagine une association incongrue

Le sergent, montagne de cent vingt kilos de muscles, enfonça la porte blindée. La fille de l’Empereur était là, diaphane, ses longs cheveux blonds toujours superbes malgré les longues journées d’emprisonnement. Ils s’aimèrent aussitôt du regard et dans un mouvement aussi naturel que spontané, le sergent souleva la princesse et l’embrassa.

Si j’avais mis des noms propres dans cet exemple, je peux te garantir que tu les aurais oublié aussitôt refermé cet article.

Les personnages de roman qu’on a déjà rencontrés mille fois ont peu de risque de perdurer dans nos mémoires. Mais c’est aussi le cas de duos ou même de groupes complets de personnages classiques qu’on a rangé dans des cases, bien stéréotypés, pour répondre aux canons du genre sans laisser une oreille pointue qui dépasse. Le nain grincheux, l’elfe immortel, le voleur menteur-mais-gentil, le barbare colérique qui fonce dans le tas. On est tellement fatigué de les voir que plus personne n’en veut.

As-tu remarqué que dans Le Seigneur des anneaux, le nain grincheux devient le meilleur ami de l’elfe ? Ils sont toujours fourrés ensemble, ils ne se séparent jamais et s’apprécient alors qu’ils auraient dû normalement se détester : ça, c’est une association incongrue. Paradoxal d’ailleurs, quand on sait que cet exemple provient justement du bouquin d’où sont originaires la plupart des codes de la fantasy.

Sans aller jusqu’aux neuf de La Communauté de l’anneau ou aux vingt-trois de La Horde du contrevent, tu peux au moins tenter d’imaginer un duo extrêmement contrasté, jamais vu auparavant, pour augmenter les chances que tes lecteurs les retiennent – et provoquer dans le même temps des situations inédites et forcément intéressantes.

Par exemple, George R. R. Martin associe un impitoyable mercenaire sans coeur avec une jeune orpheline assoiffée de vengeance dans Games of Thrones. C’est rare dans une histoire de fantasy.

Surtout que la gamine est encore plus badass que le premier.

Dans le genre duo mémorable, on a le raton-laveur parlant (et gouailleur) et son arbre vivant dans Les Gardiens de la galaxie, conçus un peu sur le modèle « clown auguste » et « clown blanc ». Donc un peu des archétypes eux aussi, dont le caractère mémorable tient aussi beaucoup à leur apparence physique totalement atypique.

L’une de mes associations préférées, parce qu’extrêmement surprenante, se trouve dans Les Mondes de Ralph, quand Fix-it Felix, une sorte de plombier de jeu d’arcade, trouve l’amour avec le sergent Calhoun, une femme dure et autoritaire tout droit sortie de Call of Duty. C’est un peu comme si Mario finissait avec Lara Croft : c’est totalement impensable. Et donc ça marche.

Ah, le fantasme du plombier.

Dernier exemple plus sérieux, dans La Guerre de Caliban, tome 2 de The Expanse par James S. A. Corey, deux personnages que tout oppose s’associent et se lient d’amitié par le jeu des circonstances, créant un duo attachant, de ceux dont on se souvient longtemps. Non, je ne parle pas du capitaine Holden ni de l’équipage du Rossinante, qui malgré leurs failles personnelles restent des archétypes. Essaie plutôt de t’imaginer Bobbie, sergente des Marines d’un mètre quatre-vingt de son état, en prise à des doutes intimes et aussi timide qu’une petite fille, se faire engueuler par Avasarala, gentille mamie toute menue en sari indien, qui à l’inverse n’a pas sa langue dans sa poche, ne fait aucune concession avec ses ennemis et occupe accessoirement la position de numéro trois du gouvernement terrien.

Si tu as lu ou vu ces oeuvres, je parie que tu te rappelles comme moi de ces personnages, ou du moins que tu en gardes une trace plus profonde que pour les autres personnages.

Maintenant, à toi d’imaginer un mélange détonnant en te rappelant que bien au-delà des seuls personnages, c’est l’alchimie de leurs rapports qui les rendra mémorables.

La sergente, montagne de cent vingt kilos de muscles, enfonça la porte blindée. Le fils de l’Empereur était là, diaphane, ses longs cheveux blonds toujours superbes malgré les longues journées d’emprisonnement. Ils s’aimèrent aussitôt du regard et dans un mouvement aussi naturel que spontané, la sergente souleva le prince et l’embrassa.

(À noter que j’ai hésité dans cet exemple à garder la princesse. Ou à garder le sergent. Ça aurait marché tout aussi bien.)

9. Regarde dans le passé ou le futur

Le roi lui avait donné une mission : sauver la princesse. Le soldat ouvrit la cellule et libéra la belle. Ils tombèrent amoureux, vivèrent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

Toutes les causes ont des conséquences et toutes les conséquences ont des causes.

Si tu te mets à piétiner en voulant faire avancer ton intrigue, demande-toi si tu ne peux pas jeter un coup d’oeil dans le rétroviseur, mais cette fois en regardant un peu plus loin que les sièges arrière.

Tout est une affaire de contexte. Tes héros sont dans cette situation et adoptent tel comportement parce qu’ils ont vécu des choses par le passé que tu n’as pas nécessairement écrites, ni même envisagées. Prends un moment pour étoffer un peu leur histoire, leur background, et pourquoi pas leur enfance et leur famille proche.

Et jusqu’à leur plat favori, s’il le faut ! Et en essayant d’abord la recette chez toi, histoire d’être sûr que ça colle au personnage ! T’as mis assez de sel ? Assez d’herbes ? Le souci du détail, bordel, toujours le souci du détail !

Et si tu t’es déjà prêté à l’exercice – qui représente le B.A.-BA de tout écrivain, du moins en ce qui concerne les personnages principaux – recommence-le. Si ça patine, c’est qu’il y a une raison.

Plonger dans le passé de ses personnages permet de leur apporter une profondeur. Regarde J. K. Rowling avec Harry Potter. Bon, ce n’est peut-être pas l’exemple le plus facile à suivre, étant donné que la quasi totalité de ses personnages ont tous eu droit à leur propre fiche détaillée, mais comme je l’expliquais dans un article précédent, le passé de Harry, depuis l’enfance de ses parents jusqu’à sa première victoire involontaire contre Voldemort à l’âge de trois ans, est extrêmement détaillé.

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En plus du passé – ou du futur – des personnages, la science-fiction, la fantasy et toutes les autres littératures de l’imaginaire sont condamnées à prendre de la hauteur de vue en ce qui concerne l’univers dans sa globalité. Les échelles de temps sont parfois si longues qu’il est indispensable de poser des fondations solides à l’environnement dans lequel les personnages évoluent.

Dans Seeker, de Jack McDevitt, on ne saisit pas trop bien l’époque de l’intrigue, sauf à se livrer à de savants calculs. Les héros sont des antiquaires et archéologues du futur qui ne cherchent pas des momies ou des tablettes en argile, non : ils recherchent des bases spatiales et des vaisseaux disparus. Et pas depuis l’année d’avant : depuis plusieurs millénaires. La société dépeinte est ainsi située entre 6 000 et 10 000 ans de l’ère chrétienne ; une ère révolue depuis si longtemps qu’elle ne porte même plus ce nom. Si bien que plusieurs périodes historiques imaginaires y sont décrites dans le détail ou simplement énoncées, à l’instar d’une frise chronologique pendant un cours d’histoire.

Remarque, c’est facile, suffit de copier-coller notre passé et hop, le futur est là.

Mon premier roman, que je termine, ne se situe pas aussi loin dans le futur. Toutefois, il est entouré de deux époques passées et de deux autres plus tardives qui toutes les quatre seront peu à peu révélées dans les suites. Détailler ce passé était essentiel car, comme pour l’exemple que je viens de citer, il se retrouvera au coeur de l’intrigue dès le premier roman.

Alors bien sûr, le passé ou le futur ne transpireront pas forcément par tous les pores de ton livre. Mais essaie d’imaginer Harry Potter sans toute cette complexité sous-jacente : ne penses-tu pas que ça aurait sonné creux ?

Et ne serait-ce pas, peut-être, ce qui arrive actuellement à ton intrigue ? Prends du recul, jette un coup d’oeil dans le rétro ou dans ta boule de cristal et vois si tu ne peux pas apporter un peu de profondeur dans un sens ou dans un autre.

Le roi lui avait donné une mission : sauver la princesse. Le soldat ouvrit la cellule et libéra la belle. Ils tombèrent amoureux, vivèrent heureux, mais alors que leur fils unique et héritier du royaume s’apprêtait à prendre le pouvoir, le vieux roi, devenu sénile, tua le prince et emprisonna sa fille. Du coup, le soldat dut recommencer la même chose. Mais vieux.

Ce qui décupla sa rage. Ça au moins c’est positif.

10. Brise le cadre de ton intrigue

« Mais alors, vous m’aimez donc ?
— Oh oui, mon amour, j’aime tant vous aimer !

Je sais pas si c’est ton cas, mais ces exemples à la con commencent à me faire chier.

C’est justement pour ça que je les écris, remarque : parce qu’on les trouve chiants à crever.

On arrive à l’avant-dernier truc redoutable, donc celui-ci est à manipuler avec précaution. Il implique une capacité à réinventer la notion même d’intrigue suivant une approche métaphysique.

L’approche métaphysique, c’est au théâtre la capacité du personnage à s’adresser directement au public en étant pleinement conscient de son existence, en s’appuyant sur un aparté. À la télévision, cela s’appelle « briser le quatrième mur », comme lorsque Frank Underwood se tourne vers la caméra dans House of Cards pour livrer ses confidences au public.

Dans la littérature, l’approche métaphysique est utilisée par exemple lorsque le héros sait qu’il n’est pas une vraie personne, mais seulement le personnage d’un livre. L’un des exemples les plus célèbres se trouve dans la littérature fantastique : L’histoire sans fin de Michael Ende. Il y a deux héros dans cette histoire, l’un qui lit un livre et l’autre qui se trouve dedans, et la barrière entre les deux cède, en d’autres termes, le cadre est brisé, lorsque les deux parviennent à communiquer ensemble.

Mais la question est : qui va finir avec la petite impératrice, hein ? Qui ?

En littérature, hélas, le cadre ne peut pas être brisé entre notre réalité (c’est-à-dire celle du lecteur) et un personnage. Mais il peut l’être entre la réalité d’un personnage et une autre qui se trouverait au-dessus.

Si tu ne manques pas d’audace et si tu sais ce que tu fais, tu peux tenter d’utiliser l’approche métaphysique pour créer une vraie surprise chez tes lecteurs.

Car attention, il ne s’agit pas de terminer ton récit avec ce vieux poncif éculé :

… puis il se réveilla car tout ceci n’était qu’un rêve.

Rose avait tiré toute la couverture à elle, d’où cette sensation de froid.

Non, il faut créer, là encore, une histoire dans l’histoire, et trouver un moyen inventif de faire que le personnage parvienne à percer la réalité qui se trouve au-dessus de lui.

Dans The Adjustment Bureau de George Nolfi, tiré d’une nouvelle de Philip K. Dick, l’histoire d’amour entre les deux héros est contrecarrée par des forces mystérieuses qui font tout pour qu’elle ne puisse pas aboutir. Une lutte acharnée s’engage alors jusqu’à ce que, d’indice en indice, de phénomène fantastique en événement improbable, le personnage central parvienne enfin à briser le mur de sa propre réalité pour négocier une issue mutuellement acceptable avec ce qui se trouve au-dessus.

Inception de Christopher Nolan réinvente le vieux poncif éculé que je viens d’évoquer en imaginant une technologie capable de créer et contrôler artificiellement des rêves, au point de pouvoir créer des rêves dans les rêves, des rêves dans les rêves dans les rêves et ainsi de suite, jusqu’à ce que rêve et réalité deviennent quasi impossibles à distinguer, du moins pour ceux qui se trouvent à l’intérieur. La toute dernière image du film laisse planer le doute avec des accents métaphysiques : la « réalité » du personnage principal était-elle authentique, ou bien était-ce là encore un rêve depuis le tout début ?

Qui sait tout ce qui peut se passer dans notre cerveau juste avant de mourir ? Si ça se trouve, les deux films sont liés.

Ce moment de doute, tout comme le moment où le cadre se brise entre deux réalités, est un moyen puissant, s’il est bien maîtrisé, de faire chavirer tes lecteurs dans un moment de plaisir absolu.

« Mais alors, vous m’aimez donc ?
— Non, Altesse, c’est un autre qui vous aime.
— Mais qui donc, mon amour ?
— Celui qui vous voit tel que je vous vois maintenant, mais que vous ne voyez pas. Celui que j’incarne, car lui c’est moi, et moi c’est lui.
— Je n’y comprends rien mais je l’aime déjà. Quel est donc son nom ?
— Il s’appelle… Jean-Kevin. Et il veut vous épouser.
— Moi, je veux bien, mais pour les enfants on fait comment ?
— Ah bah, je… Ben, ce sera moi, en fait. Putain que c’est glauque.

11. Pousse les règles de ton univers à leur paroxysme

Le soldat s’approcha lentement de la porte antique en sachant très bien le risque qu’il prenait. Le sceau quantique était un piège raffiné dont l’origine se perdait dans de vieilles légendes. Mais il se trouvait enfin là. Alors il ouvrit la porte, la franchit et la princesse éplorée se rua aussitôt sur lui pour l’embrasser.

J’aurais pu faire une liste à 10 éléments. Ça sonnait bien, c’est un chiffre rond. Oui mais voilà, il reste la dernière petite marche de plus, la cerise de plutonium sur le gâteau au piment. La grosse Bertha.

Car on peut faire plus encore que sortir du cadre.

On peut le détruire.

Alerte rouge. Alerte rouge. Tous les écrivains à leurs postes de combat. Ça va secouer un brin.

Déjà, tu vas commencer par relever délicatement tes doigts du clavier SANS faire de gestes brusques. Comme il y a des gens qui ont obtenu des prix Nebula et Hugo avec ce truc, la plus grande prudence s’impose.

Je parlais en début d’article de ces écrivains qui n’étaient pas allés suffisamment au bout des choses, n’ayant pas exploité le plein potentiel de leur univers.

Je vais maintenant parler des écrivains qui ont fait le contraire. Qui sont allés chercher le bout du bout du bout. Et sont même allés au-delà.

Tu connais forcément Dune, de Frank Herbert. Il n’a pas reçu les prix cités, mais il reste quand même le roman de SF le plus vendu au monde, donc respect. Tu connais peut-être moins L’Empereur-Dieu de Dune, le quatrième roman du cycle qui dépeint Leto II, descendant des Atréides et qui, comme le titre l’indique, est à la fois empereur et dieu vivant. Dans le premier volet, le héros était humain, il domptait les vers de sable et tenait tête à l’empereur et aux grandes maisons, ça allait encore. Dans le quatrième, le héros est un ver de sable. Leto II règne depuis plusieurs millénaires sur la planète Arrakis et le reste de la galaxie, dont elle est devenue le centre. Il est omniscient, omnipotent, voit dans le futur et dans le passé. Bref, on ne peut pas aller beaucoup plus loin, d’ailleurs, le roman raconte essentiellement la crise qui prélude à sa chute.

Grosso modo, ça ressemble à ça.

La musique du sang de Greg Bear (Hugo 1984 et Nebula 1983 pour sa version en nouvelle) est un roman qui en a dérangé plus d’un. Il commence par un scientifique qui s’injecte des « ordinateurs biologiques vivants », bref des cellules intelligentes. Jusqu’ici, rien d’anormal. Le problème, c’est que cette maladie intelligente se transmet à une vitesse fulgurante. On passe ainsi du thème du savant fou au roman catastrophe.

Mais c’est pas fini. Le pays tout entier, puis les autres continents, puis la planète entière sont contaminés et c’est une nouvelle forme d’intelligence qui domine la Terre à partir d’une simple petite injection dans le bras, avant que le livre ne s’achève sur une réflexion transhumaniste.

Dans Tau zéro de Poul Anderson (finaliste du Hugo 1971), l’histoire se passe sur un vaisseau interstellaire parti coloniser une autre planète. Tout va bien, jusqu’à ce que le moteur s’emballe sans possibilité de le ralentir. Alors que faire ? Eh bien, accélérer, pardi. Accélérer tant et si bien que les années passent à une vitesse folle tandis que le temps file normalement dans l’habitacle du vaisseau. Enfin, quand je dis les années, je devrais plutôt dire les millions d’années, puis les milliards. Car bien vite, les passagers se retrouvent face à un problème plutôt épineux : la fin de l’univers approche à grands pas, tant et si bien qu’à leur échelle, cela devient une question d’heures.

« Allô, Houston ? Ah merde, c’est vrai, ça fait déjà une semaine à bord que l’humanité s’est éteinte. »

La première chose à faire pour repousser les limites de ton intrigue consiste d’abord à les connaître. En science-fiction, ces limites dépendent en général d’une technologie ; aussi ta capacité à repousser ces limites à leur paroxysme dépendra de cette dernière, comme c’est le cas dans les deux derniers exemples.

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Sache pour conclure que ce que j’aime le plus avec ce dernier « truc » – si on peut encore le qualifier ainsi – c’est qu’on ne peut le trouver qu’en science-fiction.

Le soldat s’approcha lentement de la porte antique en sachant très bien le risque qu’il prenait. Le sceau quantique était un piège raffiné dont l’origine se perdait dans de vieilles légendes. Mais il se trouvait enfin là. Alors il ouvrit la porte, la franchit, et découvrit devant lui une étendue infinie de princesses de tous âges, depuis le nouveau-né jusqu’aux ossements pourris. Elles se ruèrent sur lui pour l’embrasser sur tous les recoins de son corps dans un grouillement ignoble de salives et de lèvres qui se poursuivit, sans jamais s’arrêter, jusqu’à la fin des temps.

Alors, inspiré ? Bonne nouvelle, ça veut dire qu’il est temps de te mettre au boulot !.

Et interdiction de reprendre mes exemples pourris, hein. Je t’ai à l’oeil.

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