Inventer une science imaginaire
1. 4 raisons d’écrire de la science-fiction si tu n’aimes pas la science
> 2. Comment Asimov a inventé une science aussi crédible qu’une vraie
3. Comment inventer une science imaginaire (et même deux) en 7 étapes
Quand tu manques d’inspiration au moment d’écrire une histoire de science-fiction, tu peux toujours t’appuyer sur la quantité astronomique de sciences aussi diverses qu’insolites qui envahissent les bibliothèques et les labos du monde entier.
Tout ce que tu as à faire, c’est de piocher une science sympa – sur laquelle tu serais quand même prêt à passer des dizaines voire des centaines d’heures – et de te lancer.
Mais si tu aimes le risque et l’aventure, et que tu as peur de t’ennuyer en écrivant, tu peux aussi faire autre chose que de te baser sur une science déjà connue et sans doute déjà traitée par d’autres. Tu peux aussi l’inventer.
Inventer une science, c’est à la portée de tous les écrivains de SF
Les amateurs de science-fiction sont en général des êtres curieux qui aiment savoir comment et pourquoi fonctionnent les choses. Ils adorent accumuler des connaissances scientifiques sur tout et n’importe quoi, dans les livres qu’ils lisent, dans les émissions qu’ils regardent et dans la nature qui les entoure. Ils se posent des questions, formulent des hypothèses, et parfois même, inventent des théories.
Si c’est ton cas, je t’informe officiellement que tu as un esprit scientifique.
Le truc, c’est qu’un esprit scientifique associé à l’imagination d’un écrivain de science-fiction, ça fait souvent s’allumer plein de petites ampoules dans la tête. On se demande : “Que se passerait-il si… ?” “Comment fonctionnerait X si Y était comme ça ?” On se pose plein de questions qui pourraient donner matière à une histoire.
Et ce genre de questionnement, comme ce fut le cas d’Isaac Asimov, est parfois le point de départ de l’invention d’une nouvelle science.
Dans les années 50, il a inventé la psychohistoire pour son roman Fondation. Comment ? En associant les théories historiques de la chute de l’Empire romain avec les mouvements des molécules de gaz.
Associer deux sciences pour en inventer une nouvelle
Après, j’avoue, ce ne sont pas deux sciences qu’on associe d’entrée de jeu.
Asimov était un docteur en biochimie. C’est pendant ses études qu’il s’est intéressé aux mouvements aléatoires des molécules de gaz qui, prises ensemble, suivent pourtant un schéma défini.
Il y voit là matière à s’interroger sur le déterminisme des hommes : les humains pris individuellement ont leur libre arbitre, mais l’humanité prise comme un tout suit un chemin déjà tracé.
Asimov associe molécules et individus pour inventer la psychohistoire. Selon cette science, les événements pris à très grande échelle finissent toujours par survenir de façon infaillible, en dépit de tous les obstacles que les individus pourraient mettre en oeuvre pour contrecarrer ses prédictions.
Il faut cependant que les échelles soient immenses pour que les théories de la psychohistoire telle qu’Asimov l’a inventée puissent fonctionner.
Féru d’histoire – comme de beaucoup d’autres sciences – Asimov s’intéresse dans le même temps à un ouvrage, Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, écrit par Edward Gibbon à la fin du XVIIIe siècle.
C’est là qu’il a l’idée d’appliquer la psychohistoire à une civilisation à l’échelle galactique sur le point de s’effondrer, un Empire galactique en tous points semblable à l’Empire romain.
Pousser les limites de sa science pour tester sa logique
L’intrigue du cycle de Fondation ne couvre pas plusieurs années, mais plusieurs siècles. Un sens du drama et de la démesure qui donne le vertige et fait tout le sel de cette histoire. Et surtout qui a permis à Asimov de pousser jusqu’au bout la logique et les théories de sa science imaginaire.
Isaac Asimov a déduit qu’une civilisation qui appliquerait strictement les préceptes de la psychohistoire aurait un avenir radieux, tout en mettant en évidence que des facteurs imprévus pouvaient mettre à mal cette science en apparence infaillible. Et donc qu’il fallait donc des protagonistes pour rééquilibrer les choses.
L’intrigue de son roman était toute trouvée : ses personnages principaux auraient pour rôle de réguler les déséquilibres dans le plan initial de la psychohistoire.
En bon scientifique, Asimov a également compris qu’une civilisation ne peut pas s’étudier elle-même sous l’angle de la psychohistoire – parce que si elle connait à l’avance son futur, elle voudra choisir un autre chemin au lieu de suivre celui déjà tracé pour elle.
D’où la nécessité, pour Asimov, de faire de Fondation le “cobaye” de la psychohistoire. Et qui dit cobaye, dit scientifique observateur que le cobaye ne voit jamais : la Seconde Fondation. Un second protagoniste qui ouvre la porte à tout un nouveau chapelet d’intrigues et de rebondissements où elle sera tour à tour une ennemie, une alliée, ou juste une vague légende aux yeux des habitants de la Première Fondation.
En poussant la logique de sa science imaginaire jusque dans ses retranchements, Isaac Asimov est parvenu à associer étroitement l’intrigue de son roman avec les principes de la science qu’il avait inventée, le tout en traitant au passage les questions métaphysiques que celle-ci induisait.
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Comment inventer une science imaginaire (et même deux) en 7 étapes
À lire également : What Absolutely Everyone Needs To Know About Isaac Asimov’s Foundation (sur io9/Gizmodo, en anglais)
Tags: civilisation galactique Edward Gibbon hard science isaac asimov psychohistoire science imaginaire sociologie
Phillipe Fabry, historien, en ce basant sur des analyses comparatives, a commencé un travail sur la même idée (études des ensembles sur plusieurs années/siècles). http://www.historionomie.com/
Un seul de ses articles prospectifs vous donnera par ailleurs matière et inspiration pour moult dystopies ou futur proches.
Merci pour le partage Stéphane ! Même s’il ne sont guère rassurants, ses articles et livres représentent une bonne base d’inspiration pour faire de l’anticipation. Mais attention à ne pas verser dans la prospective en voulant faire de la science-fiction, ce n’est pas la même chose 🙂 Ce problème ainsi que les cycles de civilisation sont évoqués dans cet article : http://www.sfff.zone/12-erreurs-fatales-qui-rendront-ton-roman-de-science-fiction-ringard-dans-30-ans/